Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 1, 1850.djvu/232

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— Nous sommes une famille autrefois puissante en Bretagne, dit-il ; son nom est désormais tout ce que je vous cacherai, milord… La branche aînée de cette famille est restée riche, quoique bien déchue… La branche cadette, dont je suis, est indigente jusqu’à manger le pain des autres…

Montalt renversa sa tête sur les coussins et ferma les yeux, suivant sa coutume. Vincent avait pris la résolution d’expier sa faute prétendue et d’aller jusqu’au bout.

— Mes sœurs, mon père et moi, poursuivit-il, nous habitions le manoir de mon cousin germain, que j’appelais mon oncle à cause de la différence d’âge… Il était bon pour nous, et mon père nous disait sans cesse de l’aimer.

« Mon oncle a une fille qu’on nomme Blanche… Avant de savoir ce que c’est que l’amour, je l’aimais… »

— Une idylle bretonne ! grommela le nabab avec humeur.

— Je l’aimais…, continua Vincent qui parut ne point prendre garde à l’interruption ; je ne sais pas si vous avez aimé ainsi en votre vie, milord… Moi je n’avais qu’une pensée la nuit et le jour… Sais-je ce que j’aurais fait pour elle ?… Quand elle était triste, la pauvre enfant, mon cœur saignait… Quand elle souriait, je sentais