Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 1, 1850.djvu/235

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« — Allons, Vincent, me dit mon oncle, on n’apporte pas ainsi un visage d’hôpital parmi de joyeux convives !… Buvez comme un homme, ou allez vous mettre au lit !…

« Je fus sur le point de me retirer, mais Blanche était en face de moi, à côté de sa mère ; elle souffrait, elle aussi, d’un mal pareil au mien ; son angélique visage avait comme un voile de pâleur… Mon Dieu ! si vous saviez comme elle était belle !…

« Je restai : pouvais-je me priver volontairement de sa vue ? Et, pour avoir le droit de rester, je tendis mon verre, et je bus plus souvent que de coutume.

« Quand on se leva de table, il y avait une brume mouvante au-devant de mes yeux, et je voyais les objets tourner confusément autour de moi.

« Le jour baissait. Je sortis de la maison, et j’errai durant une heure dans les allées du jardin.

« Je fuyais la foule. Ma tête brûlait, mon cerveau s’emplissait de rêves insensés, de rêves comme je n’en avais jamais eu avant ce jour, comme je n’en ai jamais eu depuis…

« Les hôtes de mon oncle causaient et jouaient le long des charmilles. Quand j’entendais le bruit de leurs voix, je m’éloignais, parce que leur gaieté me blessait le cœur.