Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 1, 1850.djvu/27

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— Un mois ?

L’épaule de l’Américain eut un mouvement significatif.

— Six mois ? reprit Blaise ; pas possible !

— Six mois… un an… deux ans, répliqua Robert ; on ne peut rien préciser.

— Ah çà ! s’écria Blaise en fixant sur lui ses gros yeux bleus, tu es donc bien sûr de gagner la partie ?

Un imperceptible sourire releva la lèvre de l’Américain, qui retint sa réponse durant deux ou trois secondes.

— J’y compte, dit-il enfin d’un ton de persuasive franchise. Pourquoi m’en cacherais-je ? Mais quand je devrais perdre dix fois, j’engagerais encore la partie… Qu’est-ce qu’un an ou deux de travail et de peine ?… et le maître, d’ailleurs, n’aura-t-il pas plus de mal que le domestique ?… Vois-tu, je sens que je ne suis pas à ma place dans cette vie d’aventures… J’ai des goûts honnêtes et paisibles… Je regarde le but avant de mesurer l’épreuve… Que diable ! mon garçon, il faut un peu de philosophie ! Quand on a la perspective de mourir de faim un jour ou l’autre, on ne raisonne pas comme un millionnaire… Je n’ai rien, et je me demande ce que je ne ferais pas pour avoir quelque chose.

L’Endormeur approuva du bonnet.