Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 1, 1850.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la mort ou la victoire, la faim lui donnait du génie.

Mais dès qu’il avait quelque chose à perdre, son audace se changeait en mollesse. Il s’arrêtait à moitié chemin par une trop grande frayeur de se voir enlever le bénéfice déjà conquis.

Retombait-il tout en bas de sa misère, il redevenait homme. Son esprit subtil s’aiguisait, ses idées bouillonnaient de nouveau dans sa tête, et gare aux écus mal gardés !

En somme, c’était un aventurier d’ordre évidemment secondaire, mais dangereux outre mesure, et capable d’atteindre, à ses heures, l’habileté suprême du genre.

Il avait déjà dix ans de service, ayant pris de l’emploi dans quelque pendable troupe dès le commencement de sa quinzième année.

Depuis lors, Dieu sait qu’il avait travaillé tantôt soldat, tantôt capitaine, tantôt pauvre, tantôt riche, exploitant parfois l’intrigue de haute comédie, parfois descendant aux tours de l’escroquerie vulgaire, et risquant sa liberté pour quelques francs.

Il se formait, cependant, et prenait des idées rassises. Son but était de voler assez pour jouer à l’honnête homme dans un bon château lui appartenant, avec une femme aimable et bien apparentée.