Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 2, 1850.djvu/111

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chef de la famille, qui avait servi jadis l’austère vertu de ses ancêtres.

Il tenait le jeu contre M. Robert de Blois, auprès de qui s’asseyaient les deux Pontalès. À sa droite, la charmante Lola, en costume de bal, s’étendait paresseusement dans une bergère ; à sa gauche, maître Protais le Hivain, portant sur son nez coupant et long de rondes lunettes de fer, suivait le jeu d’un œil avide.

Pontalès et son fils s’abstenaient de tout conseil. L’homme de loi, au contraire, prodiguait les siens avec une remarquable générosité.

Quant à Lola, elle ne quittait sa pose nonchalante que pour emplir de sa jolie main, couverte de bagues, un verre placé sur la table à côté de Penhoël.

Et Penhoël buvait ! buvait !

Ces trois années avaient pesé sur lui d’une façon véritablement extraordinaire. Bien qu’il eût à peine trente-huit ans, c’était déjà un vieillard ; son épaisse chevelure blonde avait blanchi entièrement ; son front s’était ridé : sa haute taille s’était courbée. Il n’y avait plus ni volonté ni intelligence dans son regard éteint et stupéfié par une ivresse de chaque jour.

À peine aurait-on pu reconnaître dans cette figure bouffie et pâle, que tachaient çà et là d’ardentes piqûres, les mâles traits de René de Penhoël.