Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 2, 1850.djvu/250

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regards cloués au sol et semblait oublier la présence de l’Ange.

Elle n’entendait pas la plainte qui s’exhalait de la bouche de sa fille ; elle ne voyait point la pauvre enfant s’agiter sur son lit, et pâlir parfois tout à coup aux élancements d’une douleur plus aiguë.

La figure de Marthe semblait être de pierre. Depuis la tombée du jour, elle était assise à la même place. Elle n’avait pas fait un mouvement.

Ses yeux, fixés à terre, n’avaient point de pensée. Le sang avait abandonné complétement sa joue livide et comme morte.

Plusieurs fois avant de s’endormir, accablée, Blanche lui avait adressé la parole. Point de réponse.

Et c’était étrange ! Madame accueillait si avidement d’ordinaire chaque mot tombant des lèvres de sa fille !…

Elle n’entendait pas. Quand une torture trop poignante déchire l’âme, on devient insensible et sourd.

Mais quelle était cette torture ? Du vivant des filles de l’oncle Jean, Marthe de Penhoël était bien froide envers elles. La mort des deux pauvres enfants l’avait-elle donc changée au point de mettre à la place de sa froideur des regrets navrants et passionnés ?