Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 2, 1850.djvu/50

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L’oncle Jean lui-même avait contribué à trancher plus profondément la ligne qui séparait ses filles de leur cousine. Dès leur enfance, il les avait habituées à regarder le berceau de Blanche avec une sorte de respect. Il n’avait point voulu qu’elles s’habillassent comme Blanche, et jamais il ne leur avait permis de porter d’autre costume que celui des paysannes du Morbihan.

Il y avait bien longtemps que l’oncle Jean vivait à la charge de ses parents de la branche aînée. Autrefois, dans sa jeunesse, il avait porté l’épée et il avait été, disait-on, un fier soldat ; mais tandis qu’il se battait à l’autre bout de la France, les gens trop zélés qui représentaient la république dans le district de Redon vendaient à l’encan son modeste héritage.

Quand il était revenu au pays, il avait trouvé un asile chez le vieux commandant de Penhoël, père de Louis et de René. Depuis lors, il n’avait plus quitté le manoir.

C’était un cœur bon et tendre, possédant d’instinct toutes les délicatesses. Le souvenir reconnaissant du bienfait était en lui une religion. Il donna la première place de ses affections aux deux fils de son bienfaiteur.

Et s’il leur fit une part inégale, ce fut à son insu et malgré lui. Louis avait une âme si grande et si noble ! Son absence laissait un vide si pro-