— Un porte-pipe de deux sous ! fit-il. Est-ce que le couteau de l’autre était en carton aussi ?
À cette question un élancement de sa blessure répondit en un langage péremptoire.
— Où diable laver cette égratignure-là ? se demanda-t-il. Bonhomme, on ne veut pas vous faire de mal, vous savez ? Si c’est la peur qui vous tient, ne vous gênez pas, relevez-vous.
Il s’était incliné de nouveau. Joseph Chaix se souleva sur le coude. La lune, glissant entre deux nuages, éclaira son visage maigre et défait.
— Je n’ai pas peur, balbutia-t-il, j’ai honte.
— Et par-dessus le marché, vous êtes malade, mon camarade, ça se voit !
— Je ne suis pas malade, dit encore Joseph, j’ai faim.
Notre jeune-premier le releva dans ses bras.
— Et tu voulais faire un souper de soixante francs, l’ami ! s’écria-t-il. Bonne idée ! alors, je t’invite !
Derrière la légèreté de ses paroles, l’émotion faisait trembler sa voix.
— C’est que c’est vrai ! reprit-il en examinant Joseph, tu as faim, je m’y connais. Bois une gorgée, pas plus d’une !
Et pendant que Joseph buvait à son flacon une gorgée, — rien qu’une, — notre jeune homme continuait :
— J’ai eu faim, moi aussi, plutôt dix fois qu’une, mais c’était dans le désert. Comment peut-on avoir faim à Paris, où il y a tant de boulangers !