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Elle était auprès d’un prie-Dieu d’ébène, incrusté de nacre antique, au devant duquel elle s’agenouilla.

— Mon Dieu, dit-elle, je ne sais pas qui je suis. Qu’ils soient mes parents ou mes bienfaiteurs, ne leur dois-je pas la même tendresse ? Ils sont faibles et entourés d’ennemis. Vous ne les avez pas armés, mon Dieu, ils n’ont personne pour les défendre : il n’y a pas au monde une pauvresse, demandant son pain aux passants, qui soit si abandonnée que Domenica Paléologue au milieu de sa noblesse et de sa richesse. Rien ne la protège, pas même sa propre volonté ! Secourez-la, mon Dieu, changez ma faiblesse en force ; faites que je sois choisie pour lui rendre son fils. Et si quelqu’un doit tomber dans cette lutte… car je devine la lutte, je la sens, terrible qui se prépare tout autour de nous… Oh ! que ce soit moi, mon Dieu ! moi, l’étrangère ! La fille d’une bâtarde et d’un charlatan !

Son front toucha le bois du prie-Dieu. Pendant qu’elle était ainsi, sa main, glissée dans son sein, y prit la lettre du blessé que Joseph Chaix lui avait remise dans la maison de l’aveugle.

— Elle aussi, murmura-t-elle, la mère d’Éliane, m’a dit une fois : « Maîtresse Michela n’avait point de fille !… »

Elle ouvrit la lettre, agenouillée qu’elle était, et la lut en quelque sorte comme on prie.

La lettre disait :


« … Vous étiez assise sous les arbres, au fond de ce