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droite. « Ah ! fit-elle, vous, c’est vous !… est-ce vrai que le vicomte est mort et que l’enfant est ressuscité ? »

— Où l’aviez-vous connue ? demanda M. Chanut, sans manifester le moindre étonnement.

— À Vienne, au temps de mon adolescence. Elle accompagnait la petite Domenica Paléologue qui venait jouer sous les fenêtres de mon père dans les jardins du palais Esterhazy. Je vous parle de vingt-cinq ans, pour le moins. « Phatmi ! » m’écriai-je. Elle mit sa main sur ma bouche et l’accent de sa voix me donna le frisson pendant qu’elle disait : « J’ai été dimanche au cimetière où est la tombe du jeune comte Roland. C’est sur mes genoux qu’il souriait le mieux quand il était tout petit. L’autre… il ne souriait pas encore, celui-là ! Ah ! il vient souvent la nuit. J’y vois clair quand je rêve : une pauvre petite créature dans ses langes tachés de sang… » Sa main tomba le long de son flanc. Elle reprit : « Est-ce que vous venez chercher l’héritage de Roland ? L’autre est-il avec vous ? Il y a encore de la place au cimetière. »

Capitaine Blunt s’arrêta ici, M. Chanut lui serra le bras.

— Je vous en prie, parlez, prononça-t-il avec instance. N’omettez rien. Je l’ai interrogée plus d’une fois, et jamais elle ne m’en a tant dit.

— Je cherche, répliqua Blunt, mais ses paroles ne se sont pas bien gravées dans ma mémoire, parce que, pour moi, la plupart du temps, elles manquaient de signification. Je suis sûr qu’elle a parlé d’un péché d’un lourd péché qui écrase sa conscience et qui est la malé-