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au sortir même de sa bouche, comme il arrive à ceux qui parlent malgré eux-mêmes dans le délire de la fièvre.

— Êtes-vous lucide ? demanda encore Domenica.

— Non, attendez.

Laure continua presque aussitôt après, faisant de grandes pauses entre ses phrases :

— J’ai de la peine… je cherche mon chemin… je me dirige vers le point que vous désirez éclaircir.

— Un instant, ma petite ! fit la Marquise en se redressant tout à coup.

Ces mots furent prononcés comme on intime un ordre et à la cosaque, encore !

Jamais cette bonne Domenica n’avait parlé si leste à personne, même à ses domestiques valaques.

Par nature, elle était la politesse même, et la douceur, et la timidité.

Mais aujourd’hui, elle lançait tout cela par-dessus les moulins ; vous ne l’auriez pas reconnue, tant elle parlait haut et bref.

C’était son rôle qui la tenait. Elle avait une foi si entière à l’importance de son rôle que sa faiblesse ordinaire disparaissait. On lui avait dit : « Vous allez être maîtresse absolue. » En des matières si graves, tout doit être pris au pied de la lettre. Elle entendait être maîtresse absolue et user de son autorité dans l’acception la plus large du mot.

Puisque l’oracle était à elle en propre, elle prétendait le faire travailler selon sa fantaisie.