Page:Féval - Les Cinq - 1875, volume 2.djvu/163

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comme celle qui protège, au bois de Boulogne, la prairie réservée aux antilopes.

Était-ce pour les quatre gazelles ? Était-ce pour l’hôte triste qui venait de temps en temps habiter le pavillon ?

La dernière hypothèse était la plus plausible, car les portes de cette grille étaient presque toujours ouvertes, et il y avait en outre plusieurs brèches, que nul ne songeait à réparer.

Sur le banc de granit Édouard Blunt et Mlle d’Aleix étaient assis. Impossible de présenter dans un cadre plus mystérieux et plus frais deux plus brillantes fleurs de jeunesse. Leurs mains s’unissaient, leurs yeux se parlaient ; l’amour, le bel amour des cœurs enfants, faisait auréole à leurs fronts dans une seule et même couronne de lumière.

Et pourtant, ce n’étaient pas les strophes du lyrisme amoureux qu’ils échangeaient dans cet asile propice, ils causaient affaires.

Il est vrai que toutes les langues, même celle des affaires, parlent d’amour ou mènent à parler d’amour.

— Ordinairement on fait fortune là-bas pour revenir en Europe, disait Édouard. Moi, avant de vous avoir rencontrée, j’avais des rêves d’avenir où je me voyais apportant dans le nouveau monde une immense richesse européenne. Je savais confusément qu’un grand héritage m’appartenait. Les enfants sans parents savent toujours cela, et quand ils ne le savent pas, ils le rêvent… Mon Dieu ! Carlotta, que vous êtes belle !

— Et ne faisiez-vous pas d’autres rêves, Édouard ?