Page:Féval - Les Cinq - 1875, volume 2.djvu/53

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Mlle Coralie, première femme de chambre, s’était laissé entraîner à des appréciations peu charitables au sujet des prétentaines (c’était son mot) que courait sa jeune maîtresse.

L’opinion commune, parmi l’honorable assemblée, était qu’il y avait depuis quelque temps anguille sous roche dans « cette grande baraque-la. » On sentait du nouveau dans l’air : menace ou plutôt promesse de malheur.

Au moment où le moins appointé des aides de cuisine, misérable victime condamnée à servir de valet à ces valets, apportait le café, Mlle Coralie qui venait d’allumer une cigarette, disait :

— Je ne voudrais pas tout à fait qu’on mît le feu à la cabane parce que c’est toujours ennuyeux de courir les places, mais j’ai envie que ce monde-là soit un peu secoué pour nous réveiller… tiens ! voilà M. Szegelyi qui arrive avec une figure de circonstance ! Je parie qu’il a pêché des nouvelles ! Bonjour, monsieur Szegelyi.

Elle était toute aimable, ce matin, parce qu’elle avait auprès d’elle un jeune chasseur à tournure d’heiduque qui répondait au nom de Werther et qu’elle traitait avec distinction. Entre eux, cela ressemblait à une lune de miel.

M. Szegelyi, concierge en chef, était un Valaque engraissé qui poussait peut-être au-delà des bornes la gravité orgueilleuse, permise aux fonctionnaires de son importance, mais aujourd’hui une émotion inaccoutumée troublait le rhythme de son pas et ses mèches étaient en désordre sous sa toque.