Page:Féval - Les Cinq - 1875, volume 2.djvu/94

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gazelles qui erraient en liberté dans cette partie du parc fermée par un grillage.

Un de ces animaux avait passé sans doute.

Pernola, d’ailleurs, était on ne peut plus vivement préoccupé par les dernières paroles de M. de Sampierre, dont la manie lui semblait prendre une direction dangereuse.

Pernola travaillait sans relâche depuis plus de vingt ans. Il arrivait en vue du terme de ce long voyage, accompli pied à pied à travers des obstacles innombrables.

Le but — et ce but était véritablement splendide — lui apparaissait tout proche et l’éblouissait.

Il redoutait un de ces vertiges qui prennent les concurrents du mât de cocagne au moment de saisir la montre ou la timbale.

Rarement M. de Sampierre s’était laissé interroger avec une pareille longanimité. Il avait répondu docilement, quoique d’un air distrait, tournant le dos à son interlocuteur et regardant d’un œil fixe ce pâté de brouillard, plaqué à l’endroit où la figure du portrait aurait dû se trouver sur la toile.

À travers le brouillard, il voyait la figure.

Il avait dit cela ; il l’avait répété.

Et depuis lors, sa rêverie avait je ne sais quoi d’intense qui menaçait.

Pernola poursuivit à voix basse :

— Dans la vie de chaque homme il y a une heure solennelle qui choisit entre le bonheur et le malheur.