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visites plus rares et plus courtes, pendant lesquelles une pensée étrangère l’absorbait évidemment.

Reynier, nature confiante, bien portant de corps et d’esprit, n’était pas homme à se tourmenter pour si peu.

Il attribuait les préoccupations de Vincent à l’importance toujours croissante de ses affaires.

Et quand il avait frappé en vain trois ou quatre soirs de suite à la porte de la maison de Vincent, il se disait :

— Père n’aime plus son chez lui : il regrette toujours celle qui est morte.

Quelques jours après la visite d’Irène, un matin, Reynier était seul à son atelier et travaillait à la commande de Mme la comtesse de Clare.

L’ébauche lui en déplaisait, quoiqu’il eût déshabillé déjà bien des modèles sans trouver son idéal pour le torse de Vénus.

Il chantait, en peignant, quelque refrain d’Italie avec sa voix mâle, qui n’avait point de prétentions, mais qui sonnait juste et pleine.

C’était une belle matinée, la lumière débordait, quelque chose de jeune et de bon était dans l’air ; aussi le sourire d’Irène voltigeait autour de la pensée de Reynier.

L’avenir était plein de promesses. Irène allait avoir seize ans. Encore deux années de solitude, peut-être moins… et quelle solitude ! Un rêve tout