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LE VAL-AUX-FÉES.

fèvres de Rennes, afin de rassembler la somme dont aurait besoin Addel à son retour. Malheureusement ces joyaux étaient loin de valoir dix mille écus. Rachel thésaurisa. Elle redevint juive, tant elle se fit avare, ce qui causa une grande joie à maître Pointel.

— L’enfant a de mon sang dans les veines, se disait-il avec allégresse ; elle est économe et sait le prix d’un ducat. Si le Très-Haut eût voulu lui donner de la barbe, elle eût fait la gloire d’Israël !

Et maître Lucifer redoublait de générosité, parce qu’il croyait savoir que ses dons tombaient en bonnes mains, ladres et parcimonieuses.

Quand Rachel recevait un anneau, un collier, une agrafe, elle se rendait à Rennes, où les confrères de Lucifer n’hésitaient point à lui acheter ces objets au quart de leur valeur : ceci par esprit fraternel ; car d’habitude ils volaient davantage. Rachel revenait au manoir avec son argent, et le joignait au trésor qu’elle amassait en terre, au pied d’une souche de châtaignier, dans le recoin le plus sombre et le plus désert du Val.

Elle fit tant et si bien, que, la veille du jour où devaient finir les cinq ans, elle compléta son trésor. Après l’avoir soigneusement compté et recompté, elle le couvrit de terre et reprit la route de son petit manoir.

Elle était joyeuse, car, bien que le terme fût presque écoulé, l’idée ne lui venait point qu’Addel pût manquer à sa promesse.

— Qu’il vienne ! pensait-elle, la maison de son père ne lui sera point ravie. Il sera riche, il sera heureux…