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LE VAL-AUX-FÉES.

si sainte, qu’il émeut parfois jusqu’au cœur d’une fée. Néanmoins il ne faudrait pas compter là-dessus.

— Écoute, dit-elle d’une voix tremblotante ; — moi aussi j’ai aimé du temps que j’étais mortelle… Tu me rappelles d’heureux jours, ma fille… Je vais dire à mes sœurs que tu t’es ravisée et que tu m’as vendu ton âme…

— Ne dites pas cela ! interrompit Rachel.

— Pourquoi ? — T’imagines-tu, petite sotte, que nous soyons à cela près d’un mensonge !… Ne t’inquiète de rien, et regarde-moi faire.

Elle ramassa en tas une multitude de feuilles sèches dont elle fit neuf fois le tour en prononçant des paroles que nul ne saurait comprendre. Au neuvième tour, les feuilles sèches se changèrent en écus d’or tout neufs, à l’effigie du duc régnant.

— Cela est à toi, dit Gulmitte à la jeune fille : il y en a dix mille bien comptés. Je fais là une sottise, mais tu m’as rappelé mon bon temps, et je ne suis pas exposée à rencontrer des cœurs comme le tien tous les jours… Ce serait ruineux, ma fille !

Rachel se trouva seule, au milieu des taillis du Val, avec un sac d’or entre les mains.

La lune s’était cachée, mais une lueur sanglante éclairait l’horizon au-dessus du château de Lucifer. Le beffroi d’alarme tintait lugubrement, tandis que les autres bruits semblaient faire trêve. Rachel, faible et chancelante, se dirigea péniblement vers la montagne, qu’elle commença à gravir. Elle succombait presque sous son fardeau. Lorsqu’elle atteignit la lisière des taillis, elle vit un spectacle qui la glaça d’horreur.

Le château de Lucifer était en flammes.