Page:Féval - Les contes de nos pères, 1845.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
LES CONTES DE NOS PÈRES.

prit la direction de Malestroit, afin de gagner Ploërmel. Henriette avait fait dessein de passer la nuit à son manoir de Carhoët, situé dans la vallée de l’Oust, à une demi-lieue du bourg de Gournon ; mais, à la tombée de la nuit, et au moment où la cavalcade atteignait la lisière des grandes landes qui sont entre Renac et la Gacilly, un orage épouvantable éclata tout à coup. C’était un de ces ouragans mêlés de grêle qui suivent presque toujours de près les équinoxes dans le voisinage des côtes. Le fracas de la tourmente était si fort, et l’obscurité si opaque, que la suite de Mme de Thélouars se dispersa. Elle demeura seule, au milieu de la lande, avec Marguerite, la servante qui s’était chargée du pelit Alain. En plein jour, les gens du pays eux-mêmes s’égarent parfois dans cet inextricable écheveau des sentiers que trace, à travers les hauts ajoncs des landes, l’insouciance du paysan morbihannais. Ces sentiers, en effet, tournent, reviennent, se bifurquent, rayonnent, se rejoignent, tout cela sans but, et probablement par hasard. Nous voudrions parier que le fameux labyrinthe de Crète n’était qu’un jeu d’enfants auprès de la lande de Renac. Qu’on juge de la position d’Henriette, perdue dans ce désert, par une nuit de tempête, avec un pauvre enfant qui pleurait d’épouvante, et n’ayant d’autre boussole que les éblouissants éclairs qui déchiraient incessamment les ténèbres.

Effrayée et prise de cette fièvre de l’inquiétude qui conseille le mouvement et ne permet point d’attendre, la jeune femme poussa son cheval, et se recommanda à la Providence. La servante la suivit, à demi folle de terreur. Longtemps elles errèrent ainsi dans une forêt d’ajoncs, dont les têtes épineuses éperonnaient leurs montures. — La nuit était