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LA MORT DE CÉSAR.

Il y avait au bout de l’ancien parc de Kerhoat un petit ermitage où, par hasard, une croix était restée debout. Henriette dirigeait volontiers sa promenade vers ce but, tandis que son aïeul faisait la sieste ou lisait. L’office le plus important de César était d’escorter la jeune fille dans ces excursions. Dès qu’il la voyait tourner la clef du jardin pour entrer dans le parc, sa contenance changeait. Il modérait subitement son allure et prenait un maintien fort grave, comme s’il eût senti l’importance de la responsabilité qui pesait sur lui. En vérité, sa protection en valait, pour le moins, une autre ; il avait le jarret ferme, l’œil perçant, et des dents à mettre en déroute une escouade de loups. Malheureusement les animaux féroces qui infestaient alors la France étaient beaucoup plus nombreux et plus méchants surtout que les loups.

Un jour Lapierre, l’unique serviteur du château, revint de Noyal, l’effroi peint sur le visage. On disait que les autorités de Rennes étaient lasses de laisser si près d’elles, en paix et en vie, un vieux ci-devant qui avait eu plus de titres à lui seul que la moitié des états ensemble. En conséquence, la gendarmerie, escortée par un délégué du district, devait faire sous peu une descente au château de Kerhoat. M. de Bazouge reçut cette nouvelle en vieux soldat et en chrétien ; mais, en regardant Henriette, son œil se remplit subitement de larmes. Elle était si jeune, si belle et si bonne ! Au jour de sa naissance, un si riant avenir s’ouvrait devant elle ! Autour de son berceau, la famille avait rêvé sans doute quelque brillante et noble alliance. Hélas ! il n’y avait plus de famille. Le vieillard restait seul pour voir l’hymen de l’enfant, lugubre fête qui devait se passer en place publique et sous le