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LE MÉDECIN BLEU.

Dieu et pour le roi ! N’est-ce pas une noble cause, ma sœur ?

Sainte ne répondit point. Au fond de son cœur chacune de ces paroles trouvait un écho, mais elle n’eût point voulu donner tort à son père. Elle gardait le silence.

— Écoute, reprit René, d’autres motifs encore m’obligent à partir ; il se passe ici des choses que tu ne vois point et que tu ne saurais comprendre… M. de Vauduy n’est pas ce qu’il paraît être… Jean Brand ne couche point la nuit dans son lit, et l’heure approche où les bois de Saint-Yon retentiront du bruit des fusils… Mais ce ne sera plus le joyeux fracas de la chasse, ma sœur !…

— Que veux-tu dire ? s’écria Sainte.

— Un jour, ce fut la dernière fois que je vis notre bon curé ; en me disant adieu, il me baisa au front, et je sentis une larme rouler sur ma joue : « René, murmura-t-il à mon oreille, de malheureux temps vont venir ; la guerre civile et ses fureurs étouffent la piété filiale dans le cœur des enfants, l’amour paternel dans le cœur des pères… Quoi qu’il arrive, mon fils, souviens-toi du divin précepte, et ne te fais pas l’ennemi de ton père ! » Cette parole est restée dans mon souvenir, et je pars.

Sainte baissa douloureusement la tête.

— René, dit-elle, je ne te retiens plus, mais… notre père est vieux ; il a des ennemis ; qui le défendra quand viendra l’heure du péril ?

— Toi, ma sœur, toi qu’on aime, toi que nul malheureux ne peut voir sans se rappeler un bienfait ou une consolation. Tu restes avec lui, tu seras son égide… D’ailleurs, mieux vaut l’abandonner que d’être forcé de le combattre.

Sainte frissonna de la tête aux pieds.

— Pars ! s’écria-t-elle, oh ! pars bien vite, mon frère !