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LES CONTES DE NOS PÈRES.

trouvant sans doute que l’ennemi tardait bien à paraître.

— Monsieur mon oncle, cria gaiement Henriette en serrant dans ses blanches mains les mains ridées du vieillard, — nous allons être sauvés !

— C’est par là qu’ils doivent venir, répondit le marquis en montrant un angle de la cachette ; — c’est l’endroit faible… N’ai-je point vu remuer une pierre ?

— Non, monsieur mon oncle. Les démolisseurs se sont éloignés. On n’entend plus leurs coups, dont le retentissement funèbre me brisait l’âme… Écoutez ! J’ai envoyé un message à M. de Thélouars. Il va venir !

Le vieillard n’entendait pas. Il se méprit à l’enthousiasme qui brillait dans les traits de sa nièce, et crut qu’elle aussi attendait le dénoûment avec impatience. Cette idée était peut-être la seule qui désormais pût l’émouvoir puissamment. Il regarda Henriette avec des yeux où se peignait une admiration sans bornes.

— C’est un noble sang que le sang des Carhoët ! murmura-t-il. Vos pères furent de vaillants cœurs, madame ma nièce, et vous êtes bien leur digne fille !… Oui, ajouta-t-il avec mélancolie, vous aviez devant vous de longs jours, pleins de tendresse et de joie, madame, car vous êtes heureuse mère et heureuse épouse… Et pourtant, lorsque la mort vient vers vous, lente, cruelle, inévitable, vous l’attendez le sourire aux lèvres et l’allégresse au front… C’est beau, madame !

— Que parlez-vous de mort ? voulut interrompre Henriette.

— Oh ! c’est beau ! point de fausse modestie !… Votre rôle fait honte au mien… Moi, je suis un vieillard : mon sa-