Page:F.Douglass, Vie de Frédéric Douglass esclave Américain, 1848.djvu/113

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pour Caroline pendant ses couches. Rien n’était trop bon pour elle ; rien ne leur coûtait pour lui être agréables. Ils voyaient dans les deux enfants de cette femme une augmentation à leur fortune.

S’il y a eu une époque de ma vie, où j’aie eu à boire jusqu’à la lie dans la coupe amère de l’esclavage, ce fut pendant les premiers six mois de mon séjour avec M. Covey. Il nous forçait de travailler dans tous les temps ; il ne faisait jamais ni trop chaud, ni trop froid ; la pluie, la grêle, la neige, le vent n’étaient jamais trop violents pour nous empêcher d’aller aux champs. L’ouvrage ! l’ouvrage ! l’ouvrage n’était guère plus l’ordre du jour que de la nuit. Les jours les plus longs étaient trop courts à son gré, et les nuits les plus courtes lui paraissaient trop longues. J’étais assez difficile à gouverner, lors de mon arrivée chez lui, mais quelques mois de cette discipline-là suffirent pour me rendre plus docile. M. Covey réussit à me dompter : Hélas ! corps, âme, esprit, tout en moi était dompté ! ma vivacité naturelle avait disparu ; mon intelligence était dans un état de langueur ; le goût de la lecture s’était éteint en moi ; l’étincelle joyeuse qui animait autrefois mon regard cessa de briller ; la sombre nuit de l’esclavage m’enveloppa ; ce fut ainsi qu’un homme fut complètement changé en brute.