Page:F.Douglass, Vie de Frédéric Douglass esclave Américain, 1848.djvu/167

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des jeunes gens de la même couleur. Ceux même qui m’avaient plaint n’étaient pas disposés à aller jusque-là. Il aurait fallu pour cela un courage qui leur était inconnu ; car, à cette époque-là, la moindre manifestation d’humanité envers un nègre ou un mulâtre était dénoncée comme un signe d’abolitionnisme, et cette accusation-là exposait celui qui se l’attirait à des dangers épouvantables. Les mots d’ordre parmi les hommes les plus sanguinaires de la population étaient « Mort aux abolitionnistes ! mort aux nègres ! » Qu’en résulta-t-il ? C’est qu’il n’y eut rien de fait, et on n’aurait probablement pas agi autrement, même si j’avais été tué. Tel était alors, tel est encore aujourd’hui l’état de la société dans la ville chrétienne de Baltimore.

Lorsque M. Hughes vit qu’il ne pouvait obtenir justice, il refusa de me laisser retourner chez M. Gardner. Il préféra me garder lui-même, et sa femme pansa mes blessures, jusqu’à ce que je fusse complètement rétabli. Après quoi, il me plaça dans le chantier dont il était contre-maître, au service de M. Gaultier Price. On me mit aussitôt à calfater, et j’appris bientôt à me servir du maillet et des autres outils. Dans le cours d’une année, à partir de l’époque où j’avais quitté M. Gardner, je parvins à