Page:F.Douglass, Vie de Frédéric Douglass esclave Américain, 1848.djvu/184

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n’ayant pas de quoi acheter du pain ; — qu’il se dise en même temps que des persécuteurs impitoyables sont sur ses traces ; — qu’il se figure ne sachant ce qu’il y a à faire, ni où il faut aller, ni où il convient de rester ; — dépourvu de tous moyens de défense et de fuite ; — au milieu d’une ville où règne l’abondance, mais souffrant les terribles déchirements de la faim ; — entouré de milliers de maisons, mais n’ayant lui-même aucun asile ; — parmi ses semblables, mais éprouvant la même frayeur que parmi des bêtes sauvages, prêtes à saisir et à dévorer leur proie. Je le répète, qu’il s’applique à réaliser dans son imagination toutes les angoisses de cette situation pénible et alarmante, alors, seulement alors, il pourra comprendre dans quel état je me trouvais ; il sentira toute l’étendue des souffrances physiques et morales de l’esclave fugitif, au corps usé par la fatigue, et déchiré par le fouet sanglant de son maître, et il ne pourra refuser sa pitié à un tel excès d’infortune.

Grâces au ciel, je ne restai que très-peu de temps dans cette position douloureuse. J’en fus délivré par M. David Ruggles, dont je n’oublierai jamais la vigilance, la bonté et la persévérance. Qu’il m’est doux de pouvoir exprimer à cet homme compatis-