Page:F.Douglass, Vie de Frédéric Douglass esclave Américain, 1848.djvu/61

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cuillère. Celui qui mangeait le plus vite en avait davantage ; celui qui était le plus fort, s’emparait de la meilleure place ; il y en avait bien peu, qui fussent rassasiés en quittant l’auge.

J’avais, je suppose, entre sept et huit ans quand je quittai la plantation du colonel Lloyd. Je l’abandonnai sans regret. Je n’oublierai jamais le transport de joie qui me saisit quand je reçus la nouvelle que mon ancien maître (Antoine) avait résolu de me permettre d’aller à Baltimore demeurer chez M. Hughes Auld, frère du gendre de mon ancien maître, le capitaine Thomas Auld. On me communiqua cette résolution, trois jours avant mon départ, et ces trois jours furent les plus heureux de ma vie. Je les passai à l’anse dont j’ai parlé, à me purifier des traces de mon séjour à la plantation, et à faire les préparatifs de mon départ.

Ce n’était pas ma fierté personnelle qui me portait à agir ainsi. Je passais mon temps à me laver, non parce que je le désirais beaucoup moi-même, mais parce que Mme Lucrèce m’avait dit qu’il fallait faire disparaître de mes pieds et de mes genoux toute la peau morte, avant de pouvoir aller à Baltimore ; car les habitants de cette ville étaient extrêmement propres et se moqueraient de moi si j’avais l’air sale. Elle avait ajouté qu’elle allait me donner une