Page:F.Douglass, Vie de Frédéric Douglass esclave Américain, 1848.djvu/91

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peuplé d’esclaves son habitation, et était devenue bisaïeule à son service. Elle l’avait bercé et soigné dans l’enfance : elle l’avait servi pendant tout le cours de sa vie : elle avait essuyé, au moment où il expirait, de son front glacé, la sueur de la mort et lui avait fermé les yeux. Malgré tout cela, elle resta esclave, — esclave pour la vie, — esclave entre les mains d’étrangers ; et elle vit ses enfants, ses petits-enfants, ses arrière-petits-enfants partagés comme des brebis, sans qu’on daignât leur accorder la faveur d’un seul mot au sujet de leur destinée ou de la sienne. Afin de mettre le comble à leur basse ingratitude et à leur cruauté féroce, voici comment ils agirent à l’égard de ma grand’mère, qui était très-avancée en âge, car elle avait survécu à mon ancien maître et à tous ses enfants, et avait vu le commencement et la fin de la famille. Voyant qu’elle ne valait pas grand’chose, que sa constitution était affaiblie par les infirmités de la vieillesse et que l’impuissance s’emparait visiblement de ses membres autrefois actifs, ils l’emmenèrent dans les bois, lui bâtirent une petite cabane avec une cheminée de boue durcie, et lui accordèrent le privilège de subvenir à ses propres besoins, dans une solitude absolue : c’était en réalité la mettre dehors pour mourir ! Si ma pauvre vieille