Page:F.Douglass, Vie de Frédéric Douglass esclave Américain, 1848.djvu/96

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départ de la plantation du colonel Lloyd. C’était une privation déjà assez dure dans ce temps-là où l’on ne me donnait jamais de quoi apaiser ma faim, mais cette privation était devenue dix fois plus dure après avoir demeuré chez M. Hughes, où j’avais toujours eu une nourriture suffisante et bonne. Je viens de dire que M. Thomas était avare, et c’est bien vrai. Ne pas donner assez à manger à un esclave, passe pour la marque la plus révoltante d’avarice même parmi les propriétaires. Voici la règle : Quelque grossière que soit la nourriture, peu importe, pourvu qu’il y en ait assez. Telle est la théorie ; et dans la partie de Maryland d’où je venais, telle est la pratique générale, quoiqu’il y ait des exceptions assez nombreuses. M. Thomas ne nous donnait pas une quantité suffisante de nourriture ni bonne ni grossière. Il y avait quatre esclaves dans la cuisine — ma sœur Élise, ma tante Priscille, Henriette et moi-même ; et on nous donnait moins d’un demi-boisseau de farine de blé par semaine, et bien peu d’autres choses, soit en viande soit en légumes. Ce n’était pas assez pour vivre. Nous étions donc réduits à la misérable nécessité de nous nourrir aux dépens de nos voisins. Il nous fallait tantôt mendier, et tantôt voler, selon que l’un nous était plus commode que l’autre, au moment du besoin ;