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Au milieu de vos quarante volcans éteints, le feu qui le consuma brûle encore. « Il vit en ceux qui comme nous, écrivait hier Miguel de Unanumo, ont touché son âme toute nue avec la nudité de leur âme ». Il est encore à l’unisson de toutes les inquiétudes de la pensée. Il a re­nouvelé l’apologétique contemporaine ; et en modernisant peut-être sa pensée, qui d’ailleurs s’y prête, des philoso­phes voient en lui le précurseur de toutes les philosophies, de la raison pratique, du sentiment et de la volonté. C’est le propre d’une grande doctrine de demeurer longtemps féconde et de porter des fruits même imprévus.

Tous d’ailleurs, nous avons des leçons à recevoir encore de Pascal. Il nous a rappelé le sérieux de la vie ; il a mis à sa vraie place la dignité de l’homme dans la pensée : « Travaillons à bien penser dans l’effort et l’amour ». En face d’une civilisation matérielle qui asservit l’homme à des besoins plus faciles à satisfaire, et dont les progrès ef­fraient ceux mêmes qui en jouissent, une heure passée avec Pascal est un avertissement si elle n’est pas une conver­sion. Comme il a pressenti le calcul infinitésimal, il a eu des divinations dans l’ordre du sentiment. Nous lui devons le frisson de l’infini, même matériel, devant le silence éternel des choses. Elle est de lui, cette pensée qui fut le refrain douloureux des derniers romans de l’enchan­teur qui vient de mourir : « C’est une chose horrible de sentir s’acculer tout ce qu’on possède ». Nos âmes ne se­ raient pas les mêmes si Pascal n’avait pas vécu.

Au Pascal des Provinciales, sans vouloir rouvrir entre les Jésuites et lui l’éternel débat, nous devons des répugnan­ces comme passées dans notre sang, pour la lettre qui tue l’esprit, pour les fins qui justifient les moyens, pour le for­malisme qui dispense de l’amour, pour la religion comme instrument de domination, pour toutes les complaisances et tous les compromis. Par elles aussi, Pascal vit en nous. Il fut un des hommes en qui l’humanité s’est le plus noblement exprimée. Mais tandis que d’autres tirent cette noblesse de la synthèse harmonieuse et de l’équilibre