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RÉCITS DE L’ONCLE PAUL

tenace pour manquer jamais de Jean le Lorgne clouant sur la porte la chouette vivante.

L’effraie se plaît dans les lieux habités. Les toits des églises, la sommité des clochers, les tours élevées, sont sa demeure favorite. Tout le jour, elle reste blottie dans quelque trou obscur, d’où elle ne sort qu’après le coucher du soleil. Sa manière de prendre l’essor mérite d’être rapportée. Elle se laisse d’abord tomber du haut de son clocher comme une masse inerte, et ne déploie les ailes qu’après une assez longue chute verticale. Elle vole de travers, sans aucun bruit, comme si le vent l’emportait. Elle niche dans les trous des masures, dans les cavités des arbres vermoulus, parfois dans les greniers, sur quelque solive. Aucun nid n’est fait pour recevoir les œufs, qui sont déposés au point choisi, sans feuilles, ni racines, ni bourre pour matelas. La ponte a lieu vers la fin de mars. Elle se compose de cinq ou six œufs blancs, remarquables par leur forme en ovale allongé, forme exceptionnelle chez les oiseaux de proie nocturnes. Les petits, avec leurs gros yeux, leur bec vorace, leur poil follet cotonneux tout ébouriffé, sont bien les plus disgracieuses créatures qu’il soit possible de voir. La mère les nourrit avec des insectes et des quartiers de souris.

La plus petite de nos chouettes est la chevêche ou petite-chouette. Comme le scops, elle est de la grosseur d’un merle. Elle est d’un brun foncé, avec de grandes taches blanches, rondes ou ovales. La gorge est blanche ; la queue est traversée par quatre bandes étroites blanchâtres. La chevêche est d’un port vif et léger ; elle voit pendant le jour beaucoup mieux que les autres nocturnes ; aussi se permet-elle quelque fois la chasse aux petits oiseaux, mais bien rarement avec succès. Lorsqu’elle a la bonne fortune d’en prendre un, elle le plume très proprement avant de le manger, au lieu de suivre les habitudes gloutonnes du hibou et de la hulotte, qui l’avalent avec les plumes et rendent gorge après. Ses chasses sont beaucoup plus productives avec les mulots et les souris, qu’elle déchire par quartiers. Les autres ne font de la proie qu’une bouchée ; la petite-chouette la dépèce, dans le but peut-être de la savourer en fin connaisseur. Pour exprimer l’étonnement, la surprise, la crainte, l’effraie se dandine d’une façon bouffonne ; la chevêche s’y prend d’une autre manière. Elle fléchit les jambes, s’accroupit, puisse redresse brusque-