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RÉCITS DE L’ONCLE PAUL

sa faveur, je livre le corbeau à la haine que son plumage lugubre, son regard farouche, son croassement sinistre, son odeur infecte, son immonde voracité, son caractère féroce, de tout temps lui ont value.

XXI

LES CORNEILLES

Paul. — Nous avons en France quatre espèces de corneilles : la corneille noire, la corneille mantelée, le freux ou corneille moissonneuse, et le choucas ou petite corneille des clochers.

La corneille noire, en quelques provinces graille, graillat, grolle, agrolle, a le même plumage, la même physionomie que le corbeau, mais elle est d’un quart plus petite. Pendant la belle saison, elle vit par couples dans les bois, d’où elle ne sort que pour chercher à manger. Au printemps, sa nourriture consiste surtout en œufs d’oiseaux, de perdrix surtout, qu’elle va piller dans les nids en l’absence de la mère, et qu’elle sait percer adroitement pour les porter à ses petits sur la pointe du bec. Elle a, comme le corbeau, le goût de la chair corrompue et des petits oiseaux encore revêtus de leur poil follet ; elle attaque le menu gibier affaibli ou blessé ; elle s’aventure dans les basses-cours pour vider un caneton inexpérimenté, un poussin éloigné de sa mère. Le poisson pourri, les vers, les insectes, les fruits, les graines, suivant les temps et les lieux, lui gonflent le jabot. Elle adore les noix, qu’elle sait casser en les laissant tomber d’une certaine hauteur.

En hiver, les corneilles noires se réunissent par nombreuses troupes, seules ou bien en société des freux et des corneilles mantelées. Elles errent pas à pas dans les champs, pêle-mêle avec les troupeaux, sautant parfois sur le dos des moutons pour chercher quelque vermine sous la laine ; elles suivent le laboureur pour se nourrir des larves que la charrue met à découvert ; elles fouillent les terres ensemencées et mangent le grain attendri et rendu sucré par la germination. Le soir venu, elles s’envolent ensemble sur les grands arbres de quelque bois voisin, où elles jacassent an coucher du soleil,