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LES ANIMAUX UTILES À L’AGRICULTURE

Jules. — Je ne vois pas du tout pourquoi cet œuf s’est trouvé dans le nid d’une fauvette ; je ne comprends pas non plus quel danger il faisait courir à la nichée future.

Paul. — Vous le comprendrez quand je vous aurai dit les mœurs du coucou. C’est toute une histoire, vous allez voir, et des plus curieuses. Le coucou est cet oiseau qui, au premier printemps, lorsque les gazons s’émaillent de violettes et que les arbres épanouissent leur feuillage naissant, répète sans cesse : cou cou, d’une voix plaintive et sonore.

Jules. — Je l’ai souvent entendu chanter sur la lisière des bois, mais je n’ai pu le voir de près.

Émile. — Moi, je l’ai vu s’envoler ; il m’a paru assez gros.

Paul. — Le coucou est pour le moins de la taille d’une tourterelle ; son plumage est gris-cendré sur le dos, blanc en dessous, avec de nombreuses bandes brunes transversales semblables à celles de divers oiseaux de proie. Les ailes sont longues, ainsi que la queue, tachetée et terminée de blanc. Malgré son costume imité de celui de l’autour et de l’épervier, le coucou n’appartient pas à la catégorie des oiseaux rapaces. Ses doigts manquent de force ; son bec, assez long, est comprimé et légèrement arqué. Ce ne sont là ni les serres crochues ni le bec féroce d’un oiseau vivant de brigandage. La nourriture du coucou consiste uniquement en insectes et en chenilles. Vous vous rappelez les processionnaires du chêne, ces affreuses chenilles noires qui filent de grands nids de soie contre le tronc d’un arbre, et dont les poils barbelés causent de si vives démangeaisons ?

Jules. — En nous racontant l’histoire des ravageurs, vous nous avez dit que le coucou les mange.

Paul. — Il en fait son régal, ainsi que de toute chenille velue ; mais les poils sont roulés en pelotes dans l’estomac, puis rejetés par le bec. Comme grand consommateur d’insectes et de chenilles, le coucou mérite protection ; il est seulement fâcheux qu’une foule de petits oiseaux, nos plus dévoués auxiliaires, soient dupes de sa perfidie. Arrivons au fait.

La femelle du coucou ne construit jamais de nid. Elle ne sait pas couver ; disons mieux pour son excuse : la structure de sa poitrine ne permet pas suffisamment, paraît-il, la transmission de chaleur nécessaire à l’éclosion des œufs ; et d’autre part ses pontes, renouvelées à des intervalles assez rapprochés pendant toute la belle saison, ne lui laissent pas le temps de