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RÉCITS DE L’ONCLE PAUL

la grenouille, la rainette et quelques autres, dont la peau est nue et dont la forme première est plus tard remplacée par une structure différente. Les reptiles n’éprouvent pas de métamorphoses, les batraciens y sont tous assujettis. De même que le papillon est d’abord une chenille, si différente d’organisation, de genre de vie, de régime alimentaire, avec l’animal à l’état parfait, pareillement le crapaud, la grenouille et la rainette débutent par être têtards, qui n’ont rien de la structure et des mœurs finales.

Têtard ou grosse tête, voilà bien le mot convenable pour désigner l’état transitoire des batraciens. Une tête volumineuse, confondue avec le ventre rebondi que termine brusquement une queue plate, telle est la bête en ses débuts. Aucun membre, aucun organe de mouvement, si ce n’est la queue, qui fouette l’eau pour avancer et sert à la fois de rame et de gouvernail. Les têtards du crapaud sont petits et tout noirs ; ceux des grenouilles sont beaucoup plus gros, argentés sous le ventre, grisâtres sur le dos. Tous habitent les eaux dormantes, les mares chauffées par le soleil. À ceux du crapaud il faut des flaques peu profondes, des ornières avec quelques pouces d’eau pluviale, où ils puissent venir, en noires rangées, s’étendre à plat ventre sur la tiède vase des bords ; à ceux des grenouilles il faut de préférence des mares spacieuses, fournies d’une végétation touffue, et propices aux grands plongeons. Ils respirent l’air dissous dans l’eau comme le font les poissons ; et comme eux encore, ils périssent s’ils restent un peu de temps exposés hors de l’eau. Sous le rapport de la respiration, ce sont alors de vrais poissons. Mais parvenus à leur forme dernière, les batraciens, au contraire, respirent l’air atmosphérique et périssent suffoqués dans l’eau. Ils ont alors la respiration des animaux aériens. Vous avez vu très souvent des grenouilles et des crapauds dans l’eau, et vous vous figurez sans doute qu’ils peuvent y vivre indéfiniment. Détrompez-vous : ils ne vont à l’eau que pour déposer leurs œufs, pour se soustraire à un danger, pour prendre un bain en temps de fortes chaleurs ; mais ils ne sauraient y séjourner longtemps sans périr. Il faut qu’ils viennent par intervalles humer l’air à la surface, respirer, en mettant dehors au moins l’orifice des narines ; s’ils sont de force maintenus sous l’eau, ils meurent. Relativement aux fonctions fondamentales de la vie, voilà une première différence bien pro-