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SUR LES ANIMAUX UTILES À L’AGRICULTURE

encore impossible entre nous, car ce n’est pas avec les yeux du corps que doivent se juger le laid et le beau, mais bien avec ceux de la raison, mûrie par la réflexion et l’étude, et libre des entraves des premières impressions en général entachées d’erreur. Hélas ! combien peu possèdent cette clairvoyance intellectuelle qui sait imposer silence aux opinions légèrement conçues pour contempler les choses dans toute la sérénité du vrai ! À s’en tenir au simple témoignage des yeux, fortifié en nous par l’habitude de chaque jour, nous appelons beaux les êtres dont la structure générale offre une certaine conformité avec celle des animaux qui nous sont le plus familiers et nous ont fourni les premières idées, désormais notre modèle pour juger. Nous appelons laids ceux quiChauve-souris.
Chauve-souris.
s’éloignent de la configuration commune ; si l’écart est considérable, ils sont hideux. La raison franchit le cercle étroit de nos impressions premières ; elle s’élève au-dessus de mesquines appréciations, et se dit : « Rien n’est laid, venant des mains de Dieu ; tout est beau, tout est parfait en soi, puisque tout est l’œuvre du Créateur, perfection et beauté souveraines. »

La forme d’un animal ne doit pas se juger d’après le plus ou le moins de ressemblance avec les formes qui nous sont familières et nous servent de termes de comparaison, mais bien d’après son aptitude au genre de vie pour lequel l’animal est créé. Où la structure est en parfaite harmonie avec les fonctions à remplir, là pareillement est la beauté. À ce point de vue élevé, le laid n’existe plus. Je me trompe, il n’existe que trop, mais dans le monde moral seul. L’intem-