Page:Fabre - Les Auxiliaires (1890).djvu/52

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
48
RÉCITS DE L’ONCLE PAUL

forcée du manque total d’air. Vous avez là tout le secret du hérisson et de la chauve-souris pour supporter, sans périr, la longue abstinence de la saison d’hiver.

D’abord les précautions les mieux entendues sont prises pour éviter toute perte, toute dépense superflue de chaleur, et pour économiser d’autant les réserves en combustible de leurs pauvres petites veines. Le hérisson s’enferme dans une épaisse coque de feuilles, au sein d’un tas de pierres ou dans le creux de quelque souche ; les chauves-souris s’entassent en grappes dans les chauds abris d’une grotte. — Ce n’est pas assez. Il ne faut pas remuer, car tout mouvement ne s’obtient que par une dépense de chaleur. Celle condition est scrupuleusement remplie : leur immobilité est telle qu’on les dirait morts. — Ce n’est pas encore assez. Il faut amoindrir la respiration jusqu’aux dernières limites du possible. Et en effet, leur souffle est si faible, que tout juste, avec grande attention, il peut se constater. Cette vie parcimonieuse à outrance n’est plus comparable, on se le figure bien, au foyer et au flambeau qui, brûlant en liberté, répandent à flots la chaleur et la lumière ; c’est le maigre lumignon d’une veilleuse qui dépense, comme à regret, sa goutte d’huile ; c’est le charbon qui se consume sourdement sous la cendre. L’engourdissement est si profond, l’anéantissement si complet, que, s’il n’était suivi d’un réveil, cet état ne différerait pas de la mort.

On nomme hibernation cette suspension momentanée, ou plutôt ce ralentissement de la vie auquel certains animaux sont assujettis pendant l’hiver. Au nombre des animaux hibernants, c’est-à-dire soumis à l’hibernation, sont, outre le hérisson et la chauve-souris, la marmotte, le loir, les lézards, les couleuvres, la vipère, les grenouilles et autres reptiles. Ai-je besoin de vous dire que pour tomber et se maintenir dans cet état d’engourdissement qui rend des mois entiers l’alimentation inutile, il faut être organisé exprès ? Ne suspend pas qui veut sa respiration pour se soustraire à la nécessité de manger. Le chien et le chat, par exemple, auraient beau dormir profondément : comme leur respiration est à peu près aussi active pendant le sommeil que pendant la veille, la faim les aurait bientôt réveillés.

Émile. — Comme elle me réveillerait moi-même.

Paul. — Aucune espèce dont la nourriture est assurée pen-