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Sur quelques Chalicodomes, j’ampute les antennes d’un coup de ciseaux, aussi près que possible. Les mutilés sont dépaysés, puis relâchés. Ils reviennent au nid avec la même facilité que les autres. Dans le temps, j’avais expérimenté d’une façon pareille avec le plus gros de nos Cerceris (Cerceris tuberculata) ; et le chasseur de Charançons était revenu à ses terriers. Nous voilà débarrassés d’une hypothèse : la sensibilité directrice ne s’exerce pas par les antennes. Où donc est son siège ? Je ne sais.

Ce que je sais mieux, c’est que les Chalicodomes sans antennes, s’ils reviennent aux cellules, ne reprennent pas le travail. Obstinément ils volent devant leur maçonnerie, ils se posent sur le godet de terre, ils prennent pied sur la margelle de la cellule, et là, comme pensifs et désolés, longtemps ils stationnent en contemplation devant l’ouvrage qui ne s’achèvera pas ; ils partent, ils reviennent, ils chassent tout voisin importun, sans jamais reprendre l’apport du miel ou du mortier. Le lendemain, ils ne reparaissent pas. Privé de ses outils, l’ouvrier n’a plus le cœur à l’ouvrage. Lorsque le Chalicodome maçonne, les antennes continuellement palpent, sondent, explorent et paraissent présider à la perfection du travail. Ce sont ses instruments de précision ; elles représentent le compas, l’équerre, le niveau, le fil à plomb du constructeur.

Jusqu’ici mes expériences ont uniquement porté sur des femelles, beaucoup plus fidèles au nid à cause des devoirs de la maternité. Que feraient les mâles, s’ils étaient dépaysés ? Je n’avais pas grande confiance dans ces amoureux, qui pendant quelques jours forment tumultueuse assemblée au devant des gâteaux, atten-