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facultés sœurs des nôtres, y a-t-il une pensée ? Quel problème, si nous pouvions le résoudre ; quel chapitre de psychologie, si nous pouvions l’écrire ! Mais à nos premières recherches, le mystérieux va se dresser, impénétrable, soyons-en convaincus. Nous sommes incapables de nous connaître nous-mêmes ; que sera-ce si nous voulons sonder l’intellect d’autrui ? Tenons-nous pour satisfaits si nous parvenons à glaner quelques parcelles de vérité.

Qu’est-ce que la raison ? La philosophie nous en donnerait des définitions savantes. Soyons modestes, tenons-nous-en au plus simple : il ne s’agit que de la bête. La raison est la faculté qui rattache l’effet à sa cause, et dirige l’acte en le conformant aux exigences de l’accidentel. Dans ces limites, l’animal est-il apte à raisonner ; sait-il à un pourquoi associer un parce que et se comporter après en conséquence ; sait-il devant un accident changer sa ligne de conduite ?

L’histoire est peu riche en documents propres à nous guider en cette question ; et ceux qu’on trouve épars dans les auteurs peuvent rarement supporter un sévère examen. L’un des plus remarquables que je connaisse est fourni par Érasme Darwin, dans son livre Zoonomia. Il s’agit d’une Guêpe qui vient de capturer et de tuer une grosse mouche. Le vent souffle, et le chasseur embarrassé dans son essor par la trop grande surface du gibier, met pied à terre pour amputer le ventre, la tête et puis les ailes ; il part emportant le seul thorax, qui donne moins de prise au vent. À s’en tenir au fait brut, il y a bien là, j’en conviens, apparence de raison. La Guêpe paraît saisir le rapport de l’effet à la cause. L’effet, c’est la résistance éprouvée dans l’essor ; la