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plateau voisin, autrefois forêt pleine d’ombre, aujourd’hui morne solitude où pâture le Criquet et vole de pierre en pierre le Motteux. L’amour du lucre a dévasté le pays. Le vin rapportant beaucoup, on extirpa la forêt pour planter la vigne. Le Phylloxera est venu, la souche a péri, et le vert plateau d’autrefois n’est plus qu’une étendue désolée, où quelques touffes de robustes gramens poussent parmi les cailloux. Cette Arabie Pétrée est le paradis de la Lycose ; en une heure de temps, si besoin était, j’y découvrirais un cent de terriers dans une médiocre étendue.

Ces demeures sont des puits d’un pied de profondeur environ, d’abord verticaux, puis infléchis en coude. Leur diamètre moyen est d’un pouce. Sur le bout de l’orifice s’élève une margelle, formée de paille, de menus brins de toute nature, jusqu’à de petits cailloux de la grosseur d’une noisette. Le tout est maintenu en place, cimenté avec de la soie. Fréquemment l’Araignée se borne à rapprocher les feuilles sèches du gazon voisin, qu’elle assujettit avec les liens de ses filières, sans les détacher de la plante ; fréquemment aussi, à la construction en charpente, elle préfère un travail de maçonnerie, fait de petites pierres. La nature des matériaux à la portée de la Lycose, dans l’étroit voisinage du chantier en construction, décide de la nature de la margelle. Il n’y a pas de choix : tout est bon à la condition d’être rapproché.

L’économie du temps fait donc varier beaucoup l’enceinte défensive sous le rapport de ses éléments constitutifs. La hauteur varie aussi. Telle enceinte est une tourelle d’un pouce de hauteur, telle autre se réduit à un simple rebord. Toutes ont leurs parties solide-