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comme très favorable à sa descendance, son instinct si judicieux d’extraire d’abord la proie de son habitacle pour la paralyser après sans péril, je veux bien l’admettre si l’on m’explique pourquoi le Ségestrie, d’un intellect non moins bien doué que celui du Pompile, ne sait pas encore déjouer la ruse depuis si longtemps qu’elle en est victime. Que faudrait-il à l’Araignée noire pour échapper à son exterminateur ? Un rien ; il lui suffirait de rentrer dans son tube, au lieu de venir se poster en sentinelle, à l’entrée, toutes les fois que l’ennemi passe dans les environs. C’est très courageux de sa part, je l’avoue ; mais c’est aussi très périlleux. Sur l’une des pattes étalées dehors pour la défense et l’attaque, le Pompile va fondre, et l’assiégée périra par son audace. Cette posture est bonne dans l’attente d’une proie, mais l’hyménoptère n’est pas un gibier ; c’est un ennemi, et des plus à craindre. L’Aranéide ne l’ignore pas. À sa vue, au lieu de se camper crânement mais sottement sur le seuil de sa porte, que ne recule-t-elle au fond de sa forteresse, où l’autre ne viendrait pas l’attaquer ? L’expérience des générations accumulées aurait dû lui apprendre cette tactique si élémentaire et d’un intérêt sans égal pour la prospérité de sa race. Si le Pompile a perfectionné sa méthode d’attaque, pourquoi la Ségestrie n’a-t-elle pas perfectionné sa méthode de défense ? Est-ce que les siècles de siècles auraient avantageusement modifié l’un sans parvenir à modifier l’autre ? Là je ne comprends plus, ce qui s’appelle plus. Et tout naïvement je me dis : « Puisqu’il faut des Araignées aux Pompiles, de tout temps ceux-ci ont possédé leur patiente astuce et les autres leur sotte audace. » C’est puéril, si l’on veut, peu conforme aux