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sur les fleurs de séneçon et de camomille occupées par les jeunes Méloés et s’y arrêtaient un moment pour en sucer les exsudations sucrées. Sur tous ces diptères, j’ai trouvé, à bien peu d’exceptions près, des larves de Méloé, immobiles au milieu des soies du thorax. Je citerai encore, comme envahie par ces larves, une Ammophile (Ammophila hirsuta), qui approvisionne ses terriers d’une chenille au premier printemps, tandis que ses congénères nidifient en automne. Cette Ammophile ne fit que raser pour ainsi dire la surface d’une fleur ; je la pris : des Méloés circulaient sur son corps. Il est clair que ni les Eristales, ni les Calliphores, dont les larves vivent dans les matières corrompues, ni les Ammophiles, qui approvisionnent les leurs de chenilles, n’auraient jamais amené dans des cellules remplies de miel les larves qui les avaient envahies. Ces larves s’étaient donc fourvoyées, et l’instinct, chose rare, se trouvait ici en défaut.

Portons maintenant notre attention sur les jeunes Méloés en expectative sur les fleurs de camomille. Ils sont là, dix, quinze ou davantage, à demi plongés dans la gorge des fleurons d’un même calathide ou dans les interstices ; aussi faut-il une certaine attention pour les apercevoir, leur cachette étant d’autant plus efficace que la couleur ambrée de leur corps se confond avec la teinte jaune des fleurons. Si rien d’extraordinaire ne se passe sur la fleur, si un ébranlement subit n’annonce l’arrivée d’un hôte étranger, les Méloés, totalement immobiles, ne donnent pas signe de vie. À les voir plongés verticalement, la tête en bas, dans la gorge des fleurons, on pourrait croire qu’ils sont à la recherche de quelque humeur sucrée,