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ment fait l’Ammophile pour reconnaître le point où gît, sous terre, le ver gris ? Les antennes, c’est incontestable, sont les organes qui le guident. Elles ne fonctionnent pas ici comme appareils olfactifs, à moins d’admettre que leur surface aride, coriace, n’ayant rien de la délicate structure nécessaire à l’habituel odorat, est néanmoins sensible à des odeurs nulles pour nous. Ce serait admettre que la rusticité de l’outil a pour conséquence la perfection du travail. Elles ne fonctionnent pas non plus comme appareil auditif, car il n’y a pas de bruit à percevoir. Quel est donc leur rôle ? Je l’ignore et désespère de jamais le savoir.

Enclins que nous sommes, et il ne peut guère en être autrement, à tout rapporter à notre mesure, la seule qui nous soit un peu connue, nous accordons aux animaux nos moyens de perception, et ne songeons pas qu’ils pourraient bien en posséder d’autres, dont il nous est impossible d’avoir une idée précise parce qu’il n’y a rien d’analogue en nous. Sommes-nous bien certains qu’ils ne sont pas outillés, à des degrés très divers, en vue de sensations pour nous aussi étrangères que le serait la sensation des couleurs si nous étions aveugles ? La matière n’a-t-elle plus de secrets pour nous ? Est-il bien sûr qu’elle ne se révèle à l’être animé que par la lumière, le son, la saveur, l’odeur, les propriétés tangibles ? La physique et la chimie, si jeunes cependant, déjà nous affirment que le noir inconnu renferme une moisson énorme, en comparaison de laquelle notre gerbe scientifique n’est que misère. Un sens nouveau, peut-être celui qui réside dans le nez du Rhinolophe, exagéré jusqu’au grotesque, peut-être celui qui réside dans l’antenne de l’Ammophile, ouvrirait à nos recher-