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Mais l’œuf est pondu lorsque les provisions sont faites, et cet œuf a un sexe déterminé, bien que l’examen le plus minutieux ne puisse reconnaître les différences qui décideront de l’éclosion d’un mâle ou de l’éclosion d’une femelle. On arrive ainsi forcément à cette étrange conclusion : la mère sait par avance le sexe de l’œuf qu’elle va pondre, et cette prévision lui permet de garnir le garde-manger suivant la mesure de l’appétit de la future larve. Quel singulier monde, si différent du nôtre ! Nous invoquions un sens particulier pour expliquer la chasse de l’Ammophile ; que pourrons-nous invoquer nous rendant compte de cette intuition de l’avenir ? La théorie du fortuit est-elle en mesure d’intervenir dans le ténébreux problème ? Si rien n’est logiquement disposé dans un but prévu, de quelle manière s’est acquise cette claire vision de l’invisible ?

Les capsules de l’Eumène pomiforme sont littéralement bourrées de gibier, il est vrai que les pièces sont de bien petite taille. Mes notes mentionnent dans une cellule 14 chenilles vertes, dans une seconde 16. Je n’ai pas d’autres renseignements sur l’intégral menu de cet hyménoptère, que j’ai un peu négligé pour étudier de préférence son congénère, le conducteur de coupoles en rocaille. Comme les deux sexes diffèrent de grosseur, à un moindre degré cependant que pour l’Eumène d’Amédée, j’incline à croire que ces deux cellules si bien garnies appartenaient à des femelles, et que les cellules des mâles doivent avoir service moins somptueux. N’ayant pas vu, je me borne à ce simple soupçon.

Ce que j’ai vu, et souvent, c’est le nid en cailloutis, avec la larve incluse et les provisions en partie dévo-