Page:Fabre - Souvenirs entomologiques edition7 Serie 9.djvu/130

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
124
SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES

somnolences. Jeunes et alors très alertes, les Épeires ignorent l’art de la télégraphie. Du reste, leur toile, ouvrage fugace dont il ne reste presque rien le lendemain, ne comporte pas semblable industrie. Il est inutile de se mettre en frais d’un appareil avertisseur pour un piège ruiné où ne se prendra plus rien. Seules les vieilles, méditant ou somnolant dans leur pavillon de verdure, sont averties à distance, au moyen d’un fil télégraphique, de ce qui se passe sur la toile.

Pour s’exempter d’une surveillance qui deviendrait pénible à force d’être assidue, pour se reposer tranquille et connaître les événements même en tournant le dos au filet, l’embusquée a constamment le fil télégrapbique sous la patte. De mes observations sur semblable sujet, relatons celle-ci, suffisante à nous renseigner.

Une Épeire angulaire, des mieux bedonnantes, a filé sa toile entre deux Lauriers Tins, sur une largeur de près d’un mètre. Le soleil donne sur le piège, quitté bien avant l’aube. L’Araignée est dans son manoir diurne, qu’il est aisé de trouver en suivant le fil télégraphique. C’est une casemate de feuilles mortes, rapprochées à l’aide de quelques brins de soie. Le refuge est profond ; l’Araignée y disparaît en entier, moins la rotondité de l’arrière-train, qui fait barrière à l’entrée de la cachette.

Ainsi plongée de l’avant dans le fond de sa hutte, l’Épeire ne voit certainement pas sa toile. Posséderait-elle une bonne vue au lieu d’être myope, elle est dans l’impossibilité absolue de suivre du regard l’arrivée de la proie. À cette heure d’illumination vive, renoncerait-elle à la chasse ? Pas du tout. Regardons encore.