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SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES

Sous un autre rapport, on reconnaît que l’organisation n’impose pas immuable ouvrage. Avant d’entreprendre la spirale à gluaux, les Epeires en filent une première, simple auxiliaire destinée à fournir des points d’appui. Celle-ci, formée d’un fil ordinaire, non gluant, part du centre et aboutit à la circonférence par des tours d’ampleur rapidement croissante. C’est une construction provisoire dont il ne persiste que la partie centrale lorsque l’Araignée a posé ses gluaux. La seconde spirale, partie essentielle du piège, progresse, au contraire, en tours serrés, de la circonférence vers le centre, et se compose uniquement de traverses visqueuses.

Voilà donc, coup sur coup, par un brusque changement dans la mécanique, deux volutes d’ordre tout différent sous le rapport de la direction, du nombre de tours et de l’angle d’intersection. L’une et l’autre sont des spirales logarithmiques. Je ne vois aucun mécanisme des pattes, longues ou courtes, qui puisse rendre compte de ce changement.

Serait-ce alors, de la part de l’Épeire, combinaison préméditée ? Y aurait-il calcul, mensuration d’angles, vérification du parallélisme faite par le regard ou autrement ? J’incline à croire qu’il n’y a rien du tout, du moins rien autre qu’une propension innée, dont l’animal n’a pas à régler les effets, pas plus que la fleur ne règle l’agencement de ses verticilles. L’Épeire fait de la haute géométrie sans le savoir, sans y prendre garde. Cela marche tout seul, le branle étant donné par un instinct imposé dès l’origine.

Le caillou lancé par la main revient à terre en décrivant certaine courbe ; la feuille morte détachée et entraînée par un souffle d’air fait son trajet de l’arbre