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LES ÉPEIRES

lutte pour l’obtenir. Tel l’asticot, qui nage, béat, dans le bouillon de la couleuvre dissoute. D’autres — et, par une étrange dérision, ce sont en général les mieux doués — n’arrivent à dîner qu’à force d’art et de patience.

Vous êtes de ce nombre, ô mes industrieuses Épeires ; pour dîner, vous dépensez chaque nuit des trésors de patience, et bien des fois sans résultat. Je compatis à vos misères, car, soucieux autant que vous de la pâtée quotidienne, je tends, moi aussi, obstinément mon filet, le filet où se prend l’idée, capture plus difficile et moins généreuse que celle de la Phalène. Ayons confiance. Le meilleur de la vie n’est pas dans le présent, encore moins dans le passé ; il est dans l’avenir, domaine de l’espoir. Attendons.

Tout le jour, le ciel uniformément gris a paru couver l’orage. En dépit des menaces d’averse, ma voisine, clairvoyante dans les événements de la météorologie, est sortie du cyprès et s’est mise à renouveler sa toile aux heures réglementaires. Elle a deviné juste ; la nuit sera belle. Voici que le suffocant autoclave des nuées se déchire, et par les trouées la lune regarde, curieuse. Lanterne en main, je regarde aussi. Un souffle de bise achève de nettoyer les régions supérieures ; le ciel se fait superbe ; en bas règne un calme parfait. Les Phalènes se mettent à pérégriner pour leurs affaires nocturnes. Bon ! l’une est prise, et des plus belles. L’Épeire dînera.

Ce qui se passe alors dans un douteux éclairage se prête mal à l’exacte observation. Il est préférable de recourir aux Épeires, qui ne quittent jamais leur toile et chassent principalement de jour. La fasciée et la