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SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES

la structure du patient, l’Épeire pique à l’aventure. La virulence de l’inoculation fera le reste.

Il est d’ailleurs des cas assez rares où la morsure est rapidement mortelle. Mes notes mentionnent une Épeire angulaire aux prises avec la plus forte Libellule de ma contrée (Æshna grandis, Lin.). J’avais moi-même empêtré sur la toile la formidable pièce, de capture peu fréquente chez les Épeires.

Le filet tremble violemment, paraît devoir s’arracher de ses amarres. L’Araignée s’élance de son chalet de verdure, accourt audacieuse au géant, lui lance un seul paquet de cordages et, sans autres précautions, l’enlace des pattes, cherche à le maîtriser, puis lui implante les crocs dans le dos. La durée de la morsure se prolonge au point de m’élonner. Ce n’est plus ici le superficiel baiser qui m’est familier ; c’est la blessure profonde, acharnée. Son coup fait, l’Épeire se retire à quelque distance, attend les effets du venin.

Aussitôt je m’empare de la Libellule. Elle est morte, ce qui s’appelle morte. Déposée sur ma table et laissée vingt-quatre heures en repos, elle ne fait le moindre mouvement. Une piqûre dont ma loupe ne peut trouver les traces, tant les armes de l’Épeire ont la pointe subtile, a suffi, en insistant un peu, pour tuer la vigoureuse bête. Toute proportion gardée, le Crotale, le Céraste, le Trigonocéphale et autres serpents d’odieux renom, n’obtiennent pas, sur leurs victimes, des effets aussi foudroyants.

Et ces Épeires, si terribles pour l’insecte, je les manie sans crainte aucune. Mon épidémie ne leur convient pas. Si je les décidais à me mordre, que m’adviendrait-il ? À peu près rien. Un poil d’ortie est plus à