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SOUVENIRS MATHÉMATIQUES

ponts et chaussées et préparait un examen. Il venait à moi, me prenant, le candide, pour un puits de science. Ah ! qu’il était loin de compte, le naïf postulant !

Sa demande me valut un soubresaut de surprise, aussitôt réprimé par la réflexion. « Donner des leçons d’algèbre, me disais-je en moi-même ; ce serait insensé, je n’en sais pas le premier mot ! » Et je restai là, quelques instants, pensif, tiraillé par l’indécision. Faut-il accepter ? faut-il refuser ? continuait la voix intérieure.

Bah ! acceptons. Un moyen héroïque d’apprendre à nager, c’est de se jeter hardiment à la mer. Jetons-nous dans le gouffre de l’algèbre, tête première, et peut-être le péril d’une noyade imminente suscitera des efforts capables de me tirer d’affaire. Je ne sais rien de ce qu’on me demande. C’est égal, allons de l’avant, piquons une tête dans le ténébreux. J’apprendrai en enseignant.

Ah ! la belle audace qui me lance d’un bond dans un domaine où je n’avais pas encore songé à pénétrer ; ah ! l’incomparable levier que la confiance des vingt ans !

« C’est entendu, répondis-je. Vous viendrez après-demain, à cinq heures, et nous commencerons. »

Ce délai de vingt-quatre heures dissimulait un plan. J’avais une journée de répit, le bienheureux jeudi, qui me donnera le loisir de combiner un peu mes moyens. Ce jeudi est venu. Le ciel est gris et froid. Par ce vilain temps, une grille bourrée de coke est chose délectable. Chauffons-nous et méditons.

Eh bien, mon garçon, te voilà dans une belle aventure ! Comment feras-tu demain ? Avec un livre, pio-