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SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES

drait pas mieux. Qui voit dans mes terrines les singuliers ouvrages multicolores, les prend pour un produit de mon industrie, en vue de quelque malice expérimentale, et sa surprise est grande lorsque j’avoue le véritable auteur de la chose. L’idée ne viendrait à personne que l’Araignée est capable de pareil monument.

Il va de soi qu’en liberté, dans nos maigres garrigues, la Lycose ne s’adonne pas à cette luxueuse architecture. J’en ai dit les motifs : trop casanière pour aller à la recherche de matériaux, elle fait emploi de ce qui se trouve autour d’elle, ressource bien limitée. Des lopins de terre, de menus éclats de pierre, quelques brindilles, quelques gramens secs, et voilà tout à peu près. Aussi l’ouvrage est-il en général modeste et se réduit à un parapet qui n’attire guère l’attention.

Mes captives nous apprennent que si les matériaux abondent, surtout les matériaux textiles avec lesquels l’écroulement n’est pas à craindre, la Lycose se complaît aux tourelles élevées. Elle connaît l’art des donjons, et le met en pratique toutes les fois qu’elle en a les moyens.

Cet art se rattache à un autre, dont il est apparemment le dérivé. Si le soleil est violent ou bien si la pluie menace, la Lycose clôt l’entrée de sa demeure avec un treillis de soie où elle incruste des matériaux divers, parfois les restes des proies dévorées. L’antique Gaël clouait sur la porte de sa hutte les têtes des ennemis vaincus. De même la farouche Araignée enchâsse dans l’opercule de sa tanière les crânes de ses victimes. Pareils moellons l’ont très bien sur le dôme de l’ogre. mais gardons-nous d’y voir des trophées belliqueux. La bête ne connaît pas nos sauvages glorioles. Est