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LE SCORPION LANGUEDOCIEN

de part et d’autre, à cause de leur forte convexité. Une crête de nodosités rangées en ligne sinueuse leur sert de sourcil et leur donne aspect farouche. Leur axe, dirigé à peu près horizontalement, ne peut guère leur permettre que la vision latérale.

Même remarque au sujet des deux autres groupes, composés chacun de trois yeux, fort petits et situés bien plus avant, presque sur le bord de la brusque troncature qui fait voûte au-dessus de la bouche. À droite comme à gauche, les trois minimes lentilles sont rangées sur une brève ligne droite et dirigent leur axe latéralement. En somme, dans les petits yeux comme dans les gros, disposition peu avantageuse pour y voir clair en avant de soi.

Très myope et d’ailleurs louchant de façon outrée, comment fait le Scorpion pour se diriger ? Comme l’aveugle, il va à tâtons ; il se guide avec les mains, c’est-à-dire avec les pinces, qu’il porte étalées en avant et les doigts ouverts pour sonder l’étendue. Surveillons deux Scorpions errant à découvert dans mes enceintes d’éducation. La rencontre leur serait désagréable, parfois même périlleuse. Celui qui suit avance toujours néanmoins comme s’il n’apercevait pas le voisin ; mais du moment que du bout des pinces il a quelque peu touché l’autre, aussitôt brusque tressaillement, signe de surprise et d’émoi, aussitôt recul et conversion de marche sur une autre voie. Pour reconnaître l’irascible accosté, il a fallu le toucher.

Installons maintenant nos captures. Des pierres retournées et des observations fortuites sur les collines du voisinage ne pourraient suffire à me renseigner ; je dois recourir à l’éducation, seule manière de faire raconter