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LE SCORPION LANGUEDOCIEN

sommités lloiirics et des sinueux essors. Ignorant cette proie, peut-être ils la dédaignent ; ils mangent à peine, faute de vivres à leur convenance. Or, que peuvent-ils trouver en leur sauvage territoire, calciné du soleil ?

Des Criquets apparemment, des Acridiens, plèbe qui ne manque nulle part où se trouve un gramen à brouter. C’est à eux que j’ai recours de préférence lorsque finit la saison des Piérides et autres vulgaires papillons. L’enclos abonde alors en Acridiens et Locustes, génération toute jeune, vêtue seulement d’une brève jaquette. Voilà bien ce qu’il faut à mes bêtes, amies des bouchées tendres. Il y en a de gris et de verts, de pansus et de maigrelets, de guindés sur échasses et de trapus à courtes gigues. Les consommateurs auront à choisir parmi cet assortiment varié.

La nuit venue, dans la zone doucement illuminée par la lanterne, je répands ma récolte de Criquets, assez tranquilles, à cette heure tardive. Les Scorpions ne tardent pas à sortir de chez eux. Un peu de partout grouille la manne vivante. Au moindre bond, les promeneurs voisins décampent, émus de l’affaire. C’est l’exacte répétition des séances à papillons ; nul ne fait cas des bons morceaux, vus à coup sur et même louches, car fréquemment les Scorpions les rencontrent, leur marchent dessus.

Je vois un Criquet qui, de fortune, s’est engagé entre les doigts d’un passant, et celui-ci, débonnaire, ne ferme pas ses tenailles. Serrant un peu, il serait on possession d’une excellente pièce, et l’insoucieux la laisse s’esquiver. Je vois une petite Locuste verte hissée par accident sur le dos d’un promeneur, terrible monture qui pacifiquement la porte, sans songer à mal.