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LE SCORPION LANGUEDOCIEN

Contre pareille résistance, le mâle s’exténue ; en vain il secoue, en vain il tire, ça ne marche plus. Non désolé de l’accident, il abandonne la partie. Une voisine est là, tout près. Brusque en pourparlers et sans autre déclaration cette fois, il lui prend les mains et la convie à la promenade. Elle proteste, se dégage et fuit.

Du groupe des curieuses, une seconde est sollicitée, avec le même sans-façon. Elle accepte, mais rien ne dit qu’en route elle n’échappera pas à son séducteur. Qu’importe au freluquet ! une manquant, bien d’autres restent. Et que lui faut-il, en somme ? La première venue.

Cette première venue, il l’a trouvée, car le voici qui mène sa conquête. Il passe dans la zone éclairée. De toutes ses forces, il tire à lui par secousses si l’autre refuse d’avancer ; il agit en douceur s’il obtient docile obéissance. Des pauses sont fréquentes, parfois assez prolongées.

Alors le mâle se livre à de curieux exercices. Ramenant à lui les pinces, disons mieux, les bras, puis de nouveau les tendant en ligne droite, il contraint la femelle à semblable jeu alternatif. Ils forment à eux deux un système de tringles articulées ouvrant et fermant tour à tour leur quadrilatère. Après ce manège d’assouplissement, la mécanique se contracte, immobile.

Maintenant les fronts sont en contact ; les deux bouches s’appliquent l’une sur l’autre avec de tendres effusions. Pour exprimer ces caresses viennent à l’esprit les termes de baisers et d’embrassements. On n’ose s’en servir ; manquent ici la tête, la face, les lèvres, les joues. Tronqué comme d’un coup de sécateur, l’animal n’a pas même de mufle. Où nous chercherions un visage font paroi de hideuses ganaches.